Portrait de carrière : entrevue avec Michel Simard, technicien sénior principal
Le technicien sénior principal Michel Simard a rejoint Jodoin Lamarre Pratte architectes en 1974 durant les premières années de sa carrière. Avec ses 46 années au sein de la firme, il détient le record d'ancienneté de l’histoire de l’entreprise. Dynamique et efficace, sa capacité à diriger une équipe et à assurer la coordination de tous les consultants spécialisés dans la conception technique d’enveloppes de bâtiments en ont fait une ressource inestimable lors de la réalisation de projets complexes. D'une grande gentillesse et fort de sa longue expérience — l’une des plus grandes expertises techniques en conception d’enveloppes au Québec —, il a toujours été généreux de son temps et disponible pour conseiller la relève.
En hommage à son départ à la retraite à la fin de l’année 2020 ainsi qu’aux presque 5 décennies qu’il a passées avec la firme, nous lui avons consacré une entrevue dans laquelle il est revenu avec nous sur sa carrière, sa passion pour transmettre son savoir, ses souvenirs professionnels et sa perspective sur l’évolution de la pratique.
Michel Simard, technicien en architecture, chef d’équipe et conseiller technique
À la fois chef d’atelier et conseiller technique en enveloppe du bâtiment, Michel Simard a mené de nombreuses études, inspections et expertises. Sa participation sur de nombreux projets de rénovation, d’agrandissement et de construction neuve dans les domaines institutionnel et industriel lui a fait acquérir une expertise technique de l'ensemble des types et des méthodes de construction. Fort de sa longue expérience, ses connaissances et compétences furent requise à de nombreuses reprises pour déceler et corriger divers problèmes d’enveloppe.
Durant sa carrière, il a contribué à la réalisation, entre autres, du Musée d'Art Contemporain de Montréal, d'HEC Montréal, du projet d'agrandissement et de réaménagement de l'École Polytechnique de l'Université de Montréal, de projets d'écoles primaires et secondaires pour la Commission Scolaire Kativik dans le grand nord québécois et de plusieurs projets industriels.
L’enfance, les études et les débuts en architecture
Enfant, quel métier rêvais-tu de faire ?
Arpenteur, pour travailler à l’extérieur.
À quel jeu aimais-tu le plus jouer quand tu étais enfant ?
Faire du vélo avec des copains et camper. J’aimais parcourir de longues distances.
Où as-tu grandi ?
Je suis venu au monde en Abitibi et j’ai grandi à Montréal, suite à la séparation de mes parents.
Qu’est-ce qui t’a donné envie d’étudier dans le domaine de l’architecture et de faire le métier de technicien ?
Derrière chez moi, il y a eu un gros chantier et le fait de voir des professionnels avec des rouleaux de plans qu’ils déroulaient, cela m’impressionnait énormément.
Comment s’est passée ta formation ?
Très bien. J’étais toujours celui qui présentait son travail le premier dans les cours. Je dévorais la matière, je sentais que j’étais à ma place.
Quelle a été ta première expérience de travail en architecture ?
Ma première expérience de travail en sortant de l’école a été à Saint-Bruno dans le domaine de la préfabrication de maisons, blocs appartements, agrandissements d’écoles et d’unités pour les villages du Grand-Nord. Ce défi a duré environ 18 mois.
L’expérience avec Jodoin Lamarre Pratte architectes
Tu es arrivée chez Jodoin Lamarre Pratte architectes le 4 février 1974. Te rappelles-tu de ton premier jour au bureau ? C’était comment ?
On m’a confié un relevé à « PRATTEVILLE », le nom qu’on donnait affectueusement à Pointe-aux-Trembles, parce que c’était pour nous la ville de Gérard Pratte, l’un des trois fondateurs de la firme. Je devais effectuer le relevé d’un poste de pompiers jumelé à un poste de police et ce fut assez terrible parce que je n’avais jamais fait de relevé.
Comment avais-tu entendu parler de la firme ? Comment y as-tu obtenu un emploi ?
Dans les journaux. La firme avait un urgent besoin de personnel puisque la majorité des troupes étaient dans un bureau de projet pour la conception de l’UQAM. Le bureau chef sur la rue Sherbrooke était alors désertique pour produire les autres dossiers.
Parmi les projets de la firme auxquels tu as participé, quel est celui sur lequel tu as le plus aimé travailler ?
La restauration de la chapelle du Sacré-Coeur de la basilique Notre-Dame, qui a eu lieu à la suite de l’incendie qui l’a presque entièrement détruite en 1978. C’était beaucoup de travail de recherche et de défis avec une équipe très agréable.
Et le projet sur lequel tu as le moins aimé travailler ?
Le lycée de Bonabéri et l'Université de Yaoundé au Cameroun pour l’Agence canadienne de développement international (ACDI). L’architecture était très minimaliste, des boîtes construites en blocs de béton. J’avais vraiment moins d’intérêt pour ce type d’architecture.
Parmi toutes les réalisations de la firme, laquelle préfères-tu ?
Encore une fois j’ai toujours eu un faible pour la restauration de la chapelle du Sacré-Cœur. Nous avons découvert des surprises historiques, c’était vraiment un moment unique.
Si pendant une journée tu avais pu être une autre personne du bureau, qui aurais-tu été ?
Je dirais nez-à-nez les architectes Maurice Cabana (avec la firme de 1971 à 2009, associé principal de 1978 à 2008) et Jean Martin (avec la firme de 1984 à 2019, associé principal de 1996 à 2016). Ce sont des individus que j’ai eu beaucoup de plaisir à côtoyer, ils sont très humains.
Quel est l’événement social organisé par la firme que tu as préféré ?
Sans aucun doute la randonnée au mont Mansfield que Michel Dupuis avait organisé. C’était tout un défi ponctué de surprises climatiques et ce fut intéressant de découvrir le caractère des collègues. Cette journée est restée gravée dans ma mémoire !
Tu as travaillé plus de 46 années pour Jodoin Lamarre Pratte architectes, ce qui fait de toi l’employé qui a travaillé le plus longtemps au sein de la firme. As-tu déjà eu envie d’aller travailler pour une autre entreprise ? Si oui, pourquoi ?
Oui, au tout début de ma carrière, j’ai passé plusieurs examens d’emplois aux gouvernements provincial et fédéral ainsi qu’à la Ville de Montréal afin d’obtenir une plus grande sécurité d’emploi. À chaque fois j’étais sélectionné, mais suite à mes rencontres avec Gérard Pratte, je suis toujours resté. Par la suite j’ai considéré que ma place était vraiment chez Jodoin Lamarre Pratte architectes, parce qu’elle était devenue ma 2e famille.
Quel est ton meilleur souvenir au sein de la firme ?
Je dirais à la blague le 65e anniversaire de la firme qui aura lieu en 2022. J’espère bien y être !
Qu’est-ce que tu as le plus apprécié de la firme ?
Sa diversité de projets, être à l’écoute de ses employés et de leurs demandes, lorsqu’il y a moyen de les réaliser. Le professionnalisme du service rendu, l’intégrité et l’honnêteté.
Si tu devais résumer en un mot ta carrière chez Jodoin Lamarre Pratte architectes, ce serait lequel ?
Comme les paroles d’une chanson célèbre d’Édith Piaf, « je ne regrette rien » !
Le métier de technicien en architecture
Qui est ton architecte préféré ? Celui qui t’inspire le plus ?
Denis Lamarre, l’un des trois fondateurs de la firme. Il a toujours eu le feu sacré pour l’architecture.
Tu as été technicien pendant plus de 45 années. Qu’est-ce qui a le plus changé dans le métier selon toi ?
Presque tout : les outils de travail, les ateliers de travail. La technologie fait que les gens travaillent beaucoup plus à leur poste avec de la musique dans leurs écouteurs, ce qui donne à mon sens une atmosphère plus stérile car il y a moins de partage d’informations. Les dernières années, lorsque je surprenais des conversations, elles portaient presque plus souvent sur la façon de faire tel ou tel chose avec un logiciel plutôt que de répondre à un problème architectural. Je trouve que l’outil prend beaucoup de place. Malgré tout, la nouvelle génération se débrouille très bien car elle n’a pas connu autre chose, elle est tout de même capable de performer avec des logiciels qui seront eux de plus en plus performants dans quelques années.
Quelle est selon toi la recette d’un bon projet ?
Une bonne équipe pour l’exécuter.
Tu étais un technicien spécialisé en conception d’enveloppe et tu as d’ailleurs largement contribué à l’expertise de la firme dans ce domaine. Quels sont les éléments les plus importants dans la conception technique de l’enveloppe d’un bâtiment ?
Faire les calculs requis pour l’isolation, les points de rosés, le choix des colombages, les pentes de toits, l’étanchéité, les murs-rideaux, les fenêtres, les membranes, etc. En fait tout ce qui permet d’avoir un bâtiment conforme techniquement aux différents codes de constructions en vigueurs.
Dans toute ta carrière, quel est le projet le plus complexe sur lequel tu as travaillé ?
Le nouveau complexe hospitalier sur le site de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus à Québec, il s’agit du dernier projet sur lequel j’ai œuvré avant de partir à la retraite. Il était très difficile d’effectuer de la coordination et d’obtenir des réponses d’autres professionnels dispersés dans des régions différentes, surtout avec l’importante quantité de documents à produire.
As-tu des conseils à donner à la nouvelle génération de professionnels ?
Gardez l’amour pour votre métier, car c’est l’un des plus beaux du monde !
La vie professionnelle et personnelle
En rétrospective, est-ce que ce métier t’a apporté ce que tu cherchais ?
Absolument, je n’ai jamais eu de difficulté à me lever le matin pour aller au travail.
Si tu avais fait un autre métier, qu’aurait-il été ?
Arpenteur, et peut-être cuisinier aussi.
Quelles ont été tes plus grandes satisfactions professionnelles et personnelles ?
Garder mon esprit jeune, l’amour de l’architecture, avoir deux enfants heureux de faire ce qu’ils aiment dans la vie.
On dit souvent que les professionnels de l’architecture ne comptent pas leurs heures, as-tu trouvé difficile de combiner vie personnelle et professionnelle durant ta carrière ?
Un peu, mais dans mon cas, j’ai eu la chance de trouver la conjointe parfaite, qui a également eu l’opportunité dans son emploi de prendre des congés sans soldes. Nous avions à cœur que le lien parents/enfants soit solide. Cela m’a permis de faire des projets en « fast track » (en mode accéléré), d’aller dans les villages du Grand Nord, d’aller à la Baie James, même avec de jeunes enfants. Ma conjointe Reine est une solide alliée, mon âme sœur !
Quel a été le moment le plus difficile de ta carrière ?
Naturellement, quitter la firme, mais aussi suivre deux sessions de cours AutoCAD à Blainville au Centre Autodesk trois soirs par semaine avec un bébé à la maison.
Qu’es-tu le plus fier d’avoir accompli ?
J’ai tout aimé dans le déroulement de ma vie personnelle et partir au travail tous les matins, pendant 46 ans, avec le sourire, ce n’est pas tout le monde qui a cette chance.
Quelle rencontre professionnelle a été ton coup de cœur ?
L’architecte Christian de Coninck, un collègue à la firme, toujours en blagues et en caricatures et avec un bon coup de crayon en design.
Y a-t-il quelqu’un que tu considères comme ton mentor, ou une personne qui a particulièrement influencé ta carrière ?
Raymond Carpentier, il m’a appris le métier à mes débuts.
Et inversement, avec plus de 45 ans à la firme, beaucoup d’employés ont vu en toi une figure de mentor. Est-ce quelque chose que tu as apprécié ?
Énormément. J’espère qu’ils garderont un bon souvenir de moi, je me promets de continuer à rester en contact avec certains d’entre-deux après la pandémie.
Tu viens de partir à la retraite, qu’est-ce qui va le plus ou le moins te manquer ?
Les gens qui composent la firme.
L’architecture fera-t-elle partie de ta retraite ?
OUI ! J’ai ça dans ma peau de visiter de beaux bâtiments qui m’inspirent et de faire quelques petits projets de chalets ou d’agrandissements sur papier, et surtout, sans échéances. (Rires.)
En rafale
Thé ou café ?
Café.
Matin ou soir ?
Soir
Brique ou bois ?
Bois
Musée ou randonnée ?
Randonnée
Bureau ouvert ou fermé ?
Les deux
Action ou réaction ?
Action
Rénovation ou nouvelle construction ?
Nouvelle construction
Party d’huîtres ou Beach party ?
Party d’huîtres
Noir et blanc ou couleurs ?
Couleurs
Passé ou futur ?
Futur
Été ou hiver ?
Hiver
Roman ou film ?
Roman
Autocad ou Revit ?
Aucun (Rires.)
Modernisme ou post-modernisme ?
Post-modernisme
Penser ou agir ?
Agir
Vélo ou voiture ?
Vélo
Maison à la campagne ou condo en ville ?
Maison à la campagne
Londres ou New York ?
New-York
Acier ou béton ?
Béton