Photographier la dernière phase du nouveau CHUM au centre-ville de Montréal
À l’image de la complexité du projet, photographier la dernière phase du nouveau complexe hospitalier du CHUM a comporté plusieurs défis liés à son envergure, à sa localisation dans un secteur dense du centre-ville de Montréal, au séquençage des séances entre la fin des travaux et l’occupation des lieux, à l’accès aux espaces et à la coordination de nombreux intervenants.
Étant donné la livraison progressive des espaces et le grand nombre de vues à prendre, la prise de photos a été scindée en 4 séances sur 5 mois, la première regroupant les espaces cliniques, la deuxième les vues intérieures de l’amphithéâtre, des espaces publics et de la bibliothèque, la troisième les vues extérieures et la quatrième les vues par drone.
Afin de découvrir le projet sous un autre angle, de valoriser cette étape cruciale de la communication d’un projet d’architecture et de découvrir quelques secrets de la profession de photographe, nous nous sommes entretenus avec Adrien Williams, qui a photographié les deux phases du complexe hospitalier du nouveau CHUM. Nous avons également posé quelques questions à l’architecte Roxanne Rochette, qui a été impliquée à toutes les étapes de notre mandat en consortium avec MSDL —depuis la finalisation de la conception jusqu’à la livraison des travaux—, et qui a accompagné le photographe pour la prise des vues intérieures.
Adrien Williams, photographe d’architecture et design
Depuis quand fais-tu de la photographie d’architecture ?
J’ai terminé le programme de photographie du Collège Dawson en 2011 et je travaille dans ce domaine depuis.
Qu’est-ce qui t’a mené à cette profession et à choisir cette spécialisation ?
J’aime beaucoup les lignes, les formes et le contraste entre les différents matériaux. J’aime aussi prendre mon temps quand je photographie, et la photo d’architecture se déroule beaucoup plus lentement que les portraits ou la mode, par exemple.
Quel rôle un architecte peut-il jouer dans la photographie architecturale ? Les images sont-elles le résultat d’un regard partagé entre plusieurs intervenants ou de la seule création artistique du photographe ? Comment sont choisies les vues et qui les choisit ?
C’est un travail de collaboration. D’abord, durant la prise de photos, j’apprécie la présence du/des architecte(s) concepteur(s), qui peuvent apporter des explications sur le projet, faire ressortir des angles à documenter en particulier, etc. Ensuite, en phase de post-production (i.e. à l’étape de la sélection des images et de la retouche), je fais une présélection des images, que j’envoie par la suite aux clients (architectes) et ce sont eux qui s’occupent de la sélection finale. À cette étape, les commentaires des clients sont toujours cruciaux pour s’assurer que le projet est bien documenté.
À l’inverse, quel est le rôle de la photographie en architecture ?
De bien mettre en valeur les projets et de contribuer à leur rayonnement et à leur reconnaissance. Elle permet aussi au public de voir certains projets plus difficiles d’accès, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, qu’ils n’auraient pas l’occasion ou la possibilité de visiter, comme un hôpital par exemple.
Comment traduire l’intention architecturale par la photographie ?
Ça aide beaucoup quand les architectes participent à la prise de photos. Ils peuvent m’expliquer l’intention architecturale que je peux ensuite traduire en photo. C’est une belle collaboration.
Plus spécifiquement, que doit dégager une photo d’architecture dans le domaine de la santé ?
Dans le domaine de la santé, selon moi, les photos doivent dégager le bien-être et ça doit être assez lumineux.
Quelles sont les particularités et contraintes de la photographie en milieu hospitalier ?
Le plus gros défi, à mon sens, c’est la coordination des divers intervenants et l’accès aux espaces, qui sont sécurisés. De plus, dans un projet de l’envergure de celui du CHUM, il y a parfois de grandes distances à parcourir. Ce sont donc des projets plus longs à photographier.
Une permission spéciale est-elle requise pour photographier avec un drone, surtout en plein centre-ville de Montréal ?
Ça prend un permis avancé d’opérateur de drone et une autorisation de NAV Canada.
Existe-t-il des prérequis, des codes spécifiques, ou même des tendances propres à la photographie architecturale ?
La beauté de la photo c’est qu’il n’y a justement pas de code, de prérequis, ni de règles en général. Selon moi, c’est important que les photos soient de niveau, mais ce n’est pas nécessairement obligatoire. Les tendances, il faut les créer et essayer de se faire un style qui est propre à nous.
Quels ont été les principaux défis liés à la prise de photos de la dernière phase du nouveau CHUM ?
Le CHUM est un bâtiment énorme, en milieu urbain dense. C’était difficile d’avoir assez de recul pour photographier certains angles.
Qu’est-ce que tu as le plus aimé photographier dans ce projet ?
Je trouve le bâtiment de l’amphithéâtre vraiment photogénique. Surtout le contraste du matériel et la forme unique qui se détache du reste de l’immeuble.
Y-a-t-il d’autres techniques, technologies ou innovations que tu as envie d’essayer dans une prochaine séance de photographie ?
J’aimerais beaucoup essayer de shooter avec une « field camera » Phase One de format moyen. C’est une caméra ultra performante conçue spécialement pour la photographie d’architecture et de paysage.
Roxanne Rochette, architecte
Jodoin Lamarre Pratte architectes
Quels ont été les défis que tu as rencontrés dans ton mandat d’accompagnement du photographe pour la prise des vues intérieures d’un projet de ce type et de cette envergure ?
À cause de l’envergure du projet et de son échéancier de réalisation très serré, la fenêtre nous permettant de photographier les espaces intérieurs était relativement petite avant que le CHUM prenne possession des espaces. Il est ensuite très difficile, voire impossible de photographier. Les espaces cliniques étaient essentiellement complétés, alors que les espaces publics étaient encore en travaux. Nous avons donc dû scinder la prise de photos afin de nous assurer de compléter les photos cliniques le plus rapidement possible avant que le client commence à sécuriser/préparer/nettoyer le site, avant l’ouverture aux patients.
Cette expérience a-t-elle changé ton point de vue sur le projet ? Est-ce qu’elle t’a permis de faire des découvertes ?
J’ai travaillé 3 ans sur le projet, dont plus d’un an à voir évoluer le chantier de jour en jour. À mes yeux, il avait perdu de sa magie. Mais quand Adrien m’a montré la première photo, j’ai été éblouie. Wow ! C’est comme si je venais de voir le CHUM pour la toute première fois, d’un œil neuf. Je dois dire que ça fait du bien. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé le travail accompli et la beauté du projet. Cela m’a honnêtement rendue très fière !
Qu’est-ce qui est essentiel selon toi pour qu’une séance de photographie se déroule bien ?
Que les travaux soient entièrement complétés et que les espaces soient dégagés et nettoyés. Ce n’est cependant pas toujours possible ni évident à contrôler. Je pense qu’une bonne préparation doit être faite avant l’arrivée du photographe pour que la séance se déroule plus facilement et rapidement.
Comment résumerais-tu ton expérience en général sur ce projet ?
Cette expérience a été très enrichissante à de nombreux niveaux, principalement parce qu’il m’a permis de participer à toutes les étapes. C’est aussi le projet auquel j’ai le plus contribué dans ma jeune carrière. Mon plus gros défi aura certainement été la surveillance de chantier. Dans un projet de cette échelle, il y a énormément de surfaces à parcourir et beaucoup d’étapes de construction qui se déroulent en même temps.
C’est un projet vraiment complexe avec l’amphithéâtre, son envergure, mais surtout de par son échéancier extrêmement serré. Beaucoup de choses se bousculaient, tout était toujours « urgent ». Mais j’ai appris à compartimenter et à prioriser les bons éléments en fonction de l’échéancier et des ressources disponibles. Je suis très fière d’avoir pu participer à ce projet, car l’expérience acquise est inestimable.